Testament de Charles XII, duc de Lorraine
Testament de Charles XII, duc de Lorraine
Au nom de Dieu et comme voisin de ma dernière heure, je donne à l’Empereur, mon voisin, le bonsoir avant que je meure.
Je lègue à ma veuve un fonds de bon désir, la pauvreté pour son douaire, un monastère pour sa retraite, le célibat pour ses menus plaisirs. Je donne à Madame de Lisbonne beaucoup d’affliction et de regret en ma personne. Je laisse à Vaudemont, mon petit-neveu, mon nom, seul bien qui ne reste de toute la Lorraine. S’il ne peut le porter, qu’il le traîne. La France le trouvera bon.
Pour m’acquitter en maître libéral et remplir de mes domestiques la servile espérance, je leur donne donc leur congé ; qu’ils le prennent pour leur congé [sic].
Je veux que l’on me fasse un enterrement digne de prince de mon nom, et que l’on embaume mes entrailles avec de la poudre à canon.
Pour m’acquitter de tous mes créanciers, je consens que les frais funéraires se payent aux dépens de leurs propres deniers et que le plus menteur des gazetiers fasse mon oraison funèbre ; que ma mort fasse du bruit dans tous les quartiers, que tout le peuple d’alentour soit invité par le chant du Libera, et que mon épitaphe soit écrite sur la peau d’un tambour.
Épitaphe du même
Ci-gît pauvre Duc sans terre, aussi peu sincère dans ses amours que dans ses guerres. Il engageait légèrement sa foi à tout le monde et se faisait une étroite loi de ne la garder à personne. Il ne donna que du vent à Madame de Lisbonne. Il entreprenait tout et réussissait par hasard. Il se fit blanc de son épée, fier comme César, malheureux comme Pompée ; se conduisant par caprice, il fut banqueroutier à ses créanciers ; on le déterra par justice, on l’enterra par charité.
F.Fr.15143, p.10-12