Textes satiriques en prose
Comme leur nom l’indique, les chansonniers, source quasi exclusive de la présente base, contiennent presque uniquement des chansons aux couplets versifiés. Ils accueillent également d’autres poèmes, que ceux-ci soient découpés en strophes ou non. Dans une bien moindre mesure, ils peuvent aussi contenir des textes en prose dont la présence peut trouver trois explications. Soit ils sont en résonance avec un poème qui leur est proche, qu’ils redoublent en quelque sorte. Soit ils ont leur autonomie, mais relèvent du même état d’esprit frondeur, de règle dans ce type de littérature. Soit, enfin, ils illustrent une conception divergente du genre même du chansonnier, devenu plus fourre-tout que rassemblement homogène d’un même type de textes. A ce titre, ils sont bien davantage accueillants et peuvent proposer des arrêts du parlement, des lettres de Voltaire, un décret officiel, l’extrait d’un mandement, etc.
Il a paru intéressant de retenir les textes qui relèvent des deux premiers cas de figure. Ils partagent avec les poèmes qui leur sont voisins la même brièveté (s’ils étaient longs, ils désquilibreraient l’économie du recueil) et le même esprit frondeur. Leurs cibles, leurs victimes sont les mêmes ; la seule différence constatée est de n’être pas rimés. Or ils ont l’intérêt de ne se trouver souvent nulle part ailleurs, étant, comme les poèmes satiriques, astreints à la même clandestinité par crainte d’une police prompte à punir les auteurs irrespectueux. Ailleurs que dans les chansonniers, on ne les rencontre guère qu’à titre de citations dans les correspondances du temps ou les écrits des mémoralistes. Encore ne bénéficient-ils pas du secours mnémotechnique du vers qui autorise la reproduction de mémoire du texte subversif, ce qui les rend plus rares encore.
Qu’il soit bien entendu que ces textes ont tous été repris des très nombreux chansonniers dépouillés, ce qui justifie l’aspect parfaitement hétéroclite de leur collecte. Tels qu’ils sont néanmoins, ils ont leur unité, de ton d’abord, qu’ils partagent avec les autres textes. Mais aussi de nature grammaticale et stylistique, illustrant des genres littéraires que l’on ne trouve qu’ici (Catalogue de livres imaginaires, parodies de jeux de carte, « échos » moqueurs ou encore textes de placards, sauvegardés malgré l’arrachage par la police aussitôt après affichage, pour ne prendre que ces exemples).
Ils sont donc en quelque sorte l’avatar naturel des textes recueillis par le site satire18-vers. Mais leur présence dans les chansonniers étant bien moins fréquente que celle des poèmes, on ne s’étonnera pas de les trouver en relativement petit nombre. Leur rareté même, écho d’une littérature de l’ombre à ce jour complètement méconnue, semble amplement justifier leur réunion dans un cadre dédié.
On en trouvera une présentation détaillée dans : Henri Duranton, "Vieilles polémiques et genres nouveaux dans les chansonniers satiriques du 18e siècle", Dix-huitième Siècle, N°46, 2014, 517-537