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Discours du duc de Boufflers à Gênes

Discours prononcé par M. le Duc de Boufflers à son arrivée à Gênes,

aux sénateurs et magistrats de cette République


Le monarque de l’Europe le plus puissant et (ce qui n’est pas un moindre titre) le plus fidèle à ses engagements, m’envoie vers vous pour partager vos travaux et votre gloire.

Il m’ordonne de vous déclarer qu’il est résolu, à quelque prix que ce soit, de rendre à cette généreuse et infortunée République, la splendeur et l’indépendance que les nations les plus barbares rougiraient de vous disputer.

Dans vos malheurs, je regarde comme un grand avantage que les partis les plus honorables se trouvent liés à la plus saine politique.

En effet, quand vos ennemis vous proposeraient les capitulations les plus spécieuses, quelle confiance pouvez-vous jamais prendre dans une puissance si décidée à vous subjuguer ?

Elle a détruit vos fortunes et tenté de vous réduire à l’esclavage le plus humiliant par la bouche même de son général. Elle a menacé vos citoyens du supplice le plus infâme, mais n’a pu encore vous enlever votre honneur et ni votre liberté. Ces biens inestimables, mille fois plus précieux que la vie, sont en votre pouvoir.

C’est à vous-mêmes que vous devez cette heureuse révolution qui a prévenu le secours de vos alliés.

C’est vous, illustre République, qui devenez aujourd’hui l’émule de cette ancienne Rome, de ce sénat dont la présence d’Hannibal et d’une armée victorieuse n’a pu ébranler le courage.

Ne perdez donc jamais de vue vos véritables intérêts ; d’un côté la honte et l’esclavage ; et de l’autre la gloire et la liberté.

Surtout ne cessons point d’espérer dans cette Providence qui détesta toujours la tyrannie. Elle vient d’éclater sur vous d’une façon trop marquée au coin de la divinité pour que vous ne la secondiez pas par tous vos efforts.

Les moments sont précieux, ne les employons pas en de vagues délibérations ; qu’un seul esprit nous anime ; enfin, Excellents Seigneurs, daignez prendre confiance, je vous en conjure,  en l’homme du monde qui a le plus à cœur votre liberté. Je n’en suis que meilleur Français en devenant le plus zélé de vos citoyens. Montrez-moi le péril ; ma charge est de le reconnaître ; je ferai toute ma gloire de vous en garantir.

Numéro
£0074


Année
1747 mai




Références

F.Fr.13695, p.87-89 - F.Fr.15151, p.153-58