Saitre contre les évêques
Satire contre les évêques
Prélats qui dissipez les trésors de l’autel,
Est-ce imiter Saint-Pierre et son divin modèle ?
Ayez moins d’équipages et de maîtres d’hôtel.
À quoi sert tout cela pour la vie éternelle ?
À considérer la vie voluptueuse que mènent certains prélats, il semble qu’ils aient oublié qu’ils sont les successeurs des apôtres. Leurs trains, leurs équipages, leurs dépenses, la magnificence de leurs tables, le grand jeu qu’ils jouent, leurs manières, leurs occupations ne sont guère conformes à la profession qu’ils ont embrassée ! Tout leur vie se passe dans une molle oisiveté. Le soin de leurs brebis ne les touche que médiocrement et l’on dirait qu’ils sont résignés à la réprobation de leurs diocésains. Après cela, ne peut-on pas leur dire, par ironie, avec un de nos poètes,
Est-ce pour travailler que vous êtes prélats ?
De votre dignité, soutenez mieux l’éclat.
L’on devrait bien, ce semble, réprimer de tels abus, comme aussi de supprimer le train, l’équipage et la dépense de certains abbés trousse-cottes qui paraissent plus immodestes et plus fanfarons que des pages, qui ont l’air plus hautain, plus cavalier, plus guerrier que des colonels de dragons, qui se font traîner impunément dans des carrosses, aussi pompeux et aussi magnifiques que ceux d’un ambassadeur qui fait son entrée publique. Tout le temps qu’ils devraient employer à l’étude se passe à la Comédie, à l’Opéra, à des ruelles, au café. Ils perdent au jeu des sommes immenses qui sont le pur sang des pauvres. Au temple, ils scandalisent tout le monde. Ils n’ont ni respect pour le lieu sacré, ni attention pour les saints mystères. Leur vie est une imposture perpétuelle. C’est une espèce de colonel en habit noir et en petit collet.
Arsenal 10475, f°322r
Le quatrain initial a également été repris dans la base Satires versifiées ($4745)