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Conversation secrète de l’assemblée publique du grand jeu politique à Potsdam

 Conversation secrète de l’assemblée publique du grand jeu politique à Potsdam par l’auteur des Galateries de Berlin1

L’Empereur – J’ai fait une faute… Cependant les prêtres et les moines ne m’occupent pas tellement la tête que je sois au jeu.

Le Grand Seigneur – Sans jouer, je perds tout.

Le Landgrave d’Hesse-Cassel – Les cartes sont fausses, car je m’égosille à appeler un roi, personne ne me répond.

Le Roi de Suède – Je me mets de moitié avec les plus heureux.

La République de Hollande – Je ne joue qu’à jeu sûr. Cependant il faut ici jouer malgré soi, et ce qui est pis, payer.

Le Roi d’Angleterre – Je ne puis jouer sans conseil.

Le Congrès d’Amérique – J’ai déjà beaucoup gagné, mais je voudrais bien faire vole ; Warsa connaît bien les tours de cartes, il me l’enseignera sans me faire cependant une contrevole de sa façon.

Le Roi de Pologne – Je m’amuse comme un enfant à voir jouer les autres. Je ne sais pas mieux faire, car mes palatins s’en vont en me montrant le derrière.

Le Roi de Sardaigne – Je joue pour les autres, à condition pourtant de me payer le dix pour cent du gain et de n’être pour rien dans la perte.

Le Pape – Je n’ai point de roi, je ne serai point appelé.

Warsa – J’ai beau jeu. Je connais tous les tours de cartes, comme Monseigneur le Congrès l’assure mais seul, il faudra que je passe.

Le Prince royal de Prusse – Me voici ; je suis de moitié ; mais cachons bien nos cartes qu’on ne puisse voir notre jeu.

Le Roi de Prusse – Halte-là ! Si je vous attrape ensemble, votre jeu deviendra mauvais. Je tiens jeu chez moi, et je veux l’argent des cartes.

Le Général de Lithuanie Oginski – Je me tiens au jeu de Warsa… Je tremble pourtant qu’il ne fasse vole. J’ai joué autrefois aussi et je ne joue plus que du violon. Cependant je suis de moitié, mais si Warsa fait vole, je reste à Potsdam.

L’Impératrice de Russie – J’ai beau gagner et prendre à droite et à gauche avec des rois… Au bout du compte, je n’ai rien !

Les Électeurs – Miséricorde ! l’empereur a quatre rois, quatre valets et point de dame.

Les Princes d’Empire – Il faut tout perdre et faire une sotte figure sans figures.

La Reine de Portugal – Jésus-Marie ! Sainte Ursule et ses vierges ! J’aime mieux chercher la charité à Saint-Jacques en Galice le reste de ma vie que de toucher une carte.

Le Roi d’Espagne – Qu’on joue toujours ; je ne m’y connais pas, mais je payerai les chandelles.

Les Princes d’Italie – Nous n’avons pas de quoi jouer, mais nous chanterons les louanges de celui qui gagnera.

Les Hospodars de Moldavie et Valachie – Si à ce jeu nous pouvions conserver la tête, nous voudrions bien jouer avec permission et privilège de madame de Russie.

Le Roi de France – Je tire à la vole.

Warsa – Le Roi de France et bien conseillé, c’est le secret de ma politique. J’en ferai faire autant à mon bien-aimé de Prusse ; mais pour cela il faut jouer sans chandelles ; je vais les éteindre toutes, et après quoi, que Poniatowski se casse le cou, peu m’importe, pourvu qu’Oginski me suive à tâtons.

  • 1Il circule ici, depuis quelques jours, une petite pièce dont on s’est beaucoup amusé. C’est une plaisanterie politique, dans laquelle on fait parler les princes de l’Europe d’après le caractère et les vues qu’on leur suppose. On l’attribue au prince Castriotto d’Albanie, qui a pris successivement les noms de Warsa, Phanor, Saratabradas et beaucoup d’autres. Il est trop célèbre poue ne pas vous être connu. (Kageneck).

Numéro
£0282


Année
1782




Références

Kageneck, p.425-27 - SPL, t.XIII, p.