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Instructions sur les paniers, par Demandes et Réponses

Instructions sur les paniers, par Demandes et Réponses

Demande – Qu’est-ce que paniers ?

Réponse – Ce sont des vaisseaux en capacité, propres à mettre sur le corps des bêtes asines.

Demande – Quelle est l’origine des paniers ?

Réponse – Les paniers doivent leur naissance à Dame Ragonde, femme de Polichinel, prince des marionnettes. Cette Dame était sujette à avoir beaucoup d’enfants, et pour les cacher adroitement elle inventa les paniers en question. Elle contenait jusqu’à neuf enfants sous sa jupe sans qu’on s’en aperçût.

Demande – Les paniers sont-ils commodes aux femmes et aux filles ?

Réponse – Très incommodes en toutes manières : incommodes dans les rues pour les passants, par le grand terrain que les paniers occupent, incommodes dans les carrosses, puisque deux paniers occupent un carrosse à deux fonds ; incommodes dans les églises à ceux qui sont dans leur voisinage ; incommodes même aux personnes qui les portent, en hiver par le trop grand vide ou évasement qui en est inséparable ; incommodes à table ; incommodes enfin à un tel point qu’ils ne permettent point sans violence à celles qui les portent de s’asseoir.

Demande – Les paniers sont-ils permis ?

Réponse – Ils sont tolérés.

Demande – Sont-ils honnêtes ?

Réponse – En aucune manière. Ce sont des habillements bizarres, qui n’ont point pour but la nécessité de se vêtir, mais uniquement le soin de satisfaire la vanité et de se faire regarder dans les rues, comme en carnaval par des habillements de masque. Ce sont des habits de comédienne, très indécents et que l’on tolère néanmoins dans les filles qui jouent les marionnettes.

Demande – À quelles personnes sient bien les paniers ?

Réponse – À nulle personne ; ils sont cependant plus tolérables dans les grandes personnes, mais ils sont ridicules et monstrueux dans les petites tailles, puisqu’ils rendent les personnes difformes en les enflant comme un tonneau.

Demande – Les paniers ne sont-ils pas utiles aux femmes et aux filles pour dérober aux yeux du public quelques difformités, par exemple pour cacher des jambes crochues, des pieds tortus et des genoux déboîtés ?

Réponse – Non, certainement, puisqu’en prenant le moment du balancement du panier quand la personne marche ou qu’elle agit, on peut voir les pieds, les jambes et les genoux.

Demande – Combien y a-t-il de sortes de paniers ?

Réponse – De plusieurs sortes. Il y en a qui sont faits en gondoles qui servent aux filles et aux femmes à marcher avec emphase et qui font le même effet et la figure d’une porteuse d’eau qui marche avec deux seaux à ses côtés. Il y en a d’autres qui font la rose quand la largeur de la jupe le permet ; ceux-là ressemblent à une cloche sans battant. Il y en a qu’on appelle cadets parce que n’allant qu’à deux doigts au-dessous du genou, ils sont privés de leur légitime longueur. Ceux-là sont moins ridicules, mais il font faire une triste figure à l’habillement parce qu’ils font apercevoir une jupe qui d’abord se présente bien par le haut et qui fait voir par le bas son peu de consistance et usure qui ne lui permet pas de se soutenir sans le secours du panier. Les pauvres femmes et filles se servent de cette sorte de paniers, faits souvent avec des toiles de serpillière. Il y a des paniers à bourrelet, appelés ainsi, parce qu’ils ont au bas un gros bourrelet pour faire évaser la jupe ; nous parlerons une autre fois de ce panier.

Demande –- N’y a-t-il pas une autre espèce de paniers que l’on appelle paniers fourrés ?

Réponse – Oui, et ces paniers sont des plus nobles et des plus utiles. Ils sont nommés ainsi parce qu’ils fournissent des hanche et de la croupe aux femmes et aux filles qui n’en ont point. Ils ont été inventés depuis que les culs de Paris ont été à la mode. On est revenu de cette idée qui avait régné si longtemps parmi les courtisans du beau sexe, d’aimer les tailles fines, les corps déliés, la corpulence mignonne. On aime à présent un gros train, gros équipage, gros bien, gros revenu, grosse table, grosse femme ; enfin tout ce qui est gros est de mise, jusqu’aux gens grossiers qui ont un gros argent.

Demande – Quan cessera-t-on de porter des paniers ?

Réponse – Quand les femmes et filles seront modestes, prudentes, sages et qu’il cessera d’y avoir des coquettes.

Numéro
£0003





Références

Clairambault, F.Fr.12699, p.157-159


Notes

Imprimé, 2p. in-4°. Imprimerie de Valleyre. Approbation du 8 juillet 1724