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Ci commence la noble, gracieuse et de tous points miraculeuse histoire et légende

Ci commence la noble, gracieuse et de tous points miraculeuse histoire et légende

de moult noble, vertueuse et non jamais assez louée Dame Marie de Leczinska, fille du Roi Stanislas de Pologne,

ci comme elle se lit ès grandes chroniques de Pologne et translatée de poulain en gaulois.


Chapitre premier

Comme Dieu montra les sceptres et couronnes de Pologne au père de la Princesse Marie, puis les lui retira tant subtilement que ce fut merveille ; et comme la Princesse sa fille fut pour cette disgrâce transférée en pauvre maison et icelle fut nourrie et élevée en humble et privée condition. Ce qui advint, par grâce spéciale de Dieu, pour faire éviter à la Princesse la pestilente éducation qu’ont coutumièrement Rois, Princes et Princesses.

Chapitre II

Comme quoi la Princesse vécut en pauvre maison l’espace de dix ans, n’ayant encore souci de plaisance, fors que de dire ses menus suffrages, être chrétienne, acquérir sens et entendement ; si que connut par usage combien sont griefs et pesants les maux qui honnissent le commun des hommes, et ne tint qu’à elle d’apprendre à les plaindre et soulager autrui.

Chapitre III

Comme quoi Dieu, touché de voir les Gaulois en grand méchief et désarroi, voulut bien, par l’intercession des benoits saints Denis et Geneviève, faire finir le fléau dont il punissait leurs méfaits y avait ja neuf ans, et comme quoi il envoya l’ange exterminateur à Dom Philippin d’Aurélie, tuteur du petit Louison Roi des Gaules.

Chapitre IV

Comme quoi l’ange de mort descendit moult rapidement au manoir du petit Louison, au moment que Dom Philippin d'Aurélie allait totalement mâtiner ledit petit Louison, et quant et quant frapper les malencontreux Gaulois d’une terrible massue, et comme quoi l’ange frappa ledit Philippin si moult grièvement qu’il lui convint mourir de mâle mort, n’ayant que quatre putains autour de lui à lui faire les prières des agonisants. Et encore, comme les chiens mangèrent le coeur dudit D. Phillipin. Chapitre moult bel et instructif pour ceux qui gouvernent hui à toujours mais.

Chapitre V

Comme quoi Dieu voulant cheminer tout bellement à soulager les Gaulois et conduire la Princesse par des routes du tout dévoyées à devenir leur Reine, voulut et permit que Dom Bornonio le Farouche fût maire du palais, tôt après le trépassement de D. Philippin d’Aurélie.

Chapitre VI

Comme quoi Bornobio se conduisoit tant bestialement à démener les besoignes du Royaume des Gaules, que tout étoit en désarroi et étoit ledit Bornobio toujours contremont du bon sens ; et comme quoi c’étoit piteux et lamentable cas de le voir atourner toutes grandes affaires par la volonté d’une moulte vilaine et sale bête ayant tête de femme sur un corps d’araignée, et par le conseil d’un déserteur prétorien, voleur de grand chemin1 . Cette Dame étoit nommée Nannette Acapiendo.

Chapitre VII

Comme quoi Nannette Acapiendo, Dom Bornobio le Farouche et le Prétorien s’attribuaient tous proufits des dignités et emplois du Royaume des Gaules ; si que les noms de ces dignités et emplois ne furent plus que sobriquets pour ceux qui en étoient revêtus.

Chapitre VIII

Comme quoi D. Bornobio ne s’embarrassoit mie de faire sa charge de maire du palais pour le bien des Gaulois et cuidoit que gouverner le petit Louison étoit gouverner l’Etat et s’y démenoit ledit Bornobio comme un démoniaque pour empêtrer ledit petit Louison dans ses filets ; ce qu’encore faisoit-il si maussadement que petits et grands en faisoient gorge chaude et brocardoient tout publiquement.

Chapitre IX

Comme quoi D. Bornobio par dol, astuce et malengin, transmuait neuf heures de la journée le pauvre petit Louison en chasse-marée ou en lévrier, et étoit ledit Louison le demeurant du jour l’un des plus humbles et soumis enfants que se fût oncques vu ès Gaules. Dont et de quoi étoit donné, avec raison, le blâme et vitupère sur D. Bornobio le Farouche.

Chapitre X

Comme quoi de Dom Bornobio naquit une moult orde et vilaine bête qui faisoit peur à voir, tant vorace et affamée que vingt mille pouvoyeurs n’y pouvoient oncques suffire, et falloit à icelle bête pour la nourriture annuelle le quinzième sans point de faute de toutes les terres gauloises, que ledit monstre croquoit ainsi qu’aile de poulet et à ce se poursuivoient et comportoient ensemblement bois, prés, maisons, finalement tout ce qui dessus étoit. Ce qui est chose bien horrible à penser. Et fut ce monstre nommé Cinquantième.

Chapitre XI

Comme quoi Bornobio le Farouche mena le petit Louison en moult notable assemblée de Gaulois, pour illec baptiser ledit monstre sa géniture, et comme quoi la cérémonie dudit baptême fut troublée par la survenance d’une belle et noble Dame, nommé Vérité. Si que le petit Louison et D. Bornobio furent publiquement honnnis et vilipendés.

Chapitre XII

Comme quoi D. Bornobio le Farouche, ne voulant rien épargner pour l’éducation de son cher enfant, l’envoya nourrir et élever au palais des Tournelles, en la cité de Lutèce, et lui furent baillés pour gouverneurs, instituteurs et pédagogues, trois fiers géants, moult grands, cruels et outrecuidés, lesquels étoient en grande renommée, tant seulement pour le fait de bien élever toutes sortes de monstres.

Chapitre XIII

Comme quoi D. Bornobio fit penaut l’envoyé du benoît Saint-Père, en lui parlant moultement vertement et quant et quant moult doctement des libertés de l’Eglise gallicane.

Chapitre XIV

Comme quoi D. Bornobio, désireux soi maintenir en la mairie, se pourpensa par l’avis de la Dame Nannette Acapiendo et de Prétorien, tirer race du petit Louison, et fut par eux avisé de chercher une Reine qui n’osât tant seulement regarder ledit Bornobio entre les deux yeux, dont il fut du tout à son plaisir et ne fut qu’à service de monture la nuit au petit Louison.

Chapitre XV

Comme quoi, par la sainte volonté de Dieu, fut avisé par eux trois, bailler vite ladite Princesse au petit Louison, cuidant en leur engin lui bailler le gouvernement des Gaules, comme le Roi son père avoit celui de Pologne.

Chapitre XVI

Comme quoi furent envoyés grands, notables et diserts personnages en la pauvre maison où gisoit le bon R… St… et la noble Princesse sa fille, et besongnèrent si bien lesdits notables, par raisons moult honnêtes, si bien couchées en langue gauloise, qu’ils déterminèrent le Prince accort et bénin à donner humainement sa fille au petit Louison. Adonc fut vu ledit Sire S…, qui par son incommensurable piété pourroit à titre loyal être dénommé le Commandeur des croyants, plorant de joye et entonnant comme un perdu les benoîtes litanies du très saint nom de la Mère de Dieu.

Chapitre XVII

Comme quoi la Princesse M… tant allant par monts et par vaux qu’elle arriva en moult belle et aimable compagnie de Putains, sicophantes, Maquereaux et autre menu bagage, tiré de la ménagerie de D. Bornobio, pour faire honneur et compagnie à ladite noble Princesse, et comme quoi par un miracle tout clair, ne fut brin gâtée.

Chapitre XVIII

Comme quoi le grand apocrisaire, haranguant la noble Princesse, lui ordonna de contempler tous les charmes du petit Louison, l’advisant subtilement par là de ne se mêler d’autre chose, fors que soit ébattre à son plaisir.

Chapitre XIX

Comme quoi, tôt après le mariage du petit Louison et de la noble Princesse, on vit clairement que la mitre du bonhomme Dom Flodoric de Forojulium, pédagogue du petit Louison, ne cachoit que les cornes d’un veau.

Chapitre XX

Comme quoi D. Bornobio, Nannette Acapiendo et le Prétorien, par grande outrecuidance, ramentevoient à toute heure à la R… M. qu’ils l’avoient créée, ou bien peu moins que tout ne fût, lui baillèrent, or vessies pour lanternes, or vessies par le nez, de quoi la subtile Princesse ne sembloit japer ni remuer ; ce que gens d’entendement interprétoient à grand dévoyement d’esprit de la part de ladite Dame.

Chapitre XXI

Comme Dieu envoya l’ange Gabriel à la vertueuse Reine, lequel la trouva très fort environnée d’espies, qui ne pouvant bonnement l’arraisonner en cachette, lui fit entendre subtilement la volonté de Dieu, par gentils virlais, moult beaux et bien déduits, et furent lesdites chansons chantées avec grande édification des bonnes âmes.

Chapitre XXII

Comme quoi l’ange Gabriel monta au ciel et rendit compte de son ambassade, et comme quoi Dieu l’en chargea de retourner en terre la même nuit et de voler droit au lit de M…, lui jurant que le petit Louison ne le verroit ni ne l’entendroit, pour gros qu’il fût et pour clair qu’il parlât.

Chapitre XXIII

Comme quoi l’ange s’apparut à la noble R… et lui dit, en langue céleste, ces propres mots :

 

Dieu te parle, obéis, chasse d’auprès de toi

Ces monstres déguisés qui te cachent sa loi,

Ce ministre féroce, avare, sanguinaire,

Sauve ton Etat et ton Roi

Et Dieu recevra ta prière.

 

A tant disparut l’ange Gabriel et ici finit l’historien à parler de la R… M…, tant seulement à la fin du chapitre, qui encore étant au monde, peut aussi bien empirer qu’amender.

 

Supplément des chapitres de l’histoire de Madame Marie Leczinska, fille du Roi Stanislas de Pologne

 

Chapitre XXIV

Comme quoi la Reine Marie devisait et s’ébaudissait avec ses Damoiselles et ne savait mie que leur dire et que leur répondre ;

 

Chapitre XXV

Comme quoi le petit Roi Louison chevauchait nuit et jour par monts ett par vaux, ne prenant ses ébats qu’avec des bêtes, sans parler à femme aucune quoiqu’il eût moult de bien plaisantes à voir, et qu’il en fût souvent requis.

 

Chapitre XXVI

Où sont les moult beaux et majestueux compliments que fit sans étude et sans parler le petit Roi Louison à la Reine des Poulonais, et à la très pudique Reine, son épouse.

 

Chapitre XXVII

Comme quoi le petit Roi Louison profitait tous les jours des bons enseignements que lui donnait son benoît gouverneur et des moult belles leçons qu’il apportait de son tant humble et franc précepteur.

 

Chapitre XXVIII

Comme quoi le petit Roi Louison prêta son nom et sa personne à Dom Borbonius le Farouche, toutes et quantes fois qu’il en était par lui requis, au moyen de quoi il lui laissa la seule liberté de briser et rompre tous les joyaux de ses courtisans sans rien payer.

 

Chapitre XXIX

Comme quoi le Duc d’Arbache prit traîtreusement son bon maître le Roi Louison, de quoi fut moult grandement courroucé Dom Borbonius le Farouche, si délibéra pour cette félonie l’envoyer en l’île des amazones.

 

Chapitre XXX

Comme quoi le prétorien et Nanette a Capiendo2 devinrent boulangers par le crédit et autorité de D. Borbonius le Farouche, et mirent le prix à tout le pain qui se vendait dans Lutèce.

 

Chapitre XXXI

Comme quoi D. Borbonius le Farouche, par un cas tout à fait merveilleux, a trouvé l’astuce de diminuer la dépense de l’ost et de la table du petit roi Louison et d’augmenter prodigieusement ses revenus, sans que pour ce il ait un sou de reste.

 

Chapitre XXXII

Comme quoi les Dames et Damoiselles de la cour du petit Roi Louison étaient bien endoctrinées. Si faisaient-elles pour leur plaisir tout ce que leurs mères savaient faire par ci-devant.

 

Chapitre XXXIII

Comme quoi Borbonius le Farouche, par un cas tout à fait piteux prenait tout, ne donnait rien et criait toujours misère.

 

Chapitre XXXIV

Comme quoi l’enfant du duc d’Aurélie vivait bourgeoisement dans son ménage, pensant peu, parlant beaucoup et ne faisant pas grande chose qui vaille.

  • 1 - Pâris-Duvenay, soldat aux Gardes de la compagnie de Montaran se trouva du nombre de ceux qui furent accusés d'avoir volé le carrosse de Bruxelles. Montarnt le fit sauver à Namur où il resta jusqu'à ce que l'affaire fut assoupie. Duvernay lui en a marqué depuis qu'il est en faveur uen reconnaissance infinie (M.)
  • 2Mme de Prie (M.).

Numéro
£0005


Année
1725




Références

1732/1735, III,32-42 (Ch.1-23) - 1752, III, 32-42 (Ch.1-23) - Clairambault, F.Fr.12699, p.261-267 (Ch.1-23) - Clairambault, F.Fr.12699, p.269-271 (Ch.24-34) -  Maurepas, F.Fr.12631, p.291-93 - (seconde partie) -  F.Fr.12698, p.261(Ch.1-23) - Arsenal 2937, f°377r-393r - Arsenal 2962, p.305-322 (Complet) - Lille BM, MS 66, p.234-250 (Ch.1-23) - Vitry-le-François BM, MS 100-102, f°363 - Marais, II, 873-77 (ch.1-23)

 

 


Notes

Le texte a visiblement été composé en deux temps. D’abord les 23 premiers chapitres, dont le dernier est bien conçu comme clausule. Puis, à une date indéterminée, les chapitres 24-32, d’ailleurs  bien présentés comme tels (Cf. Supplément des chapitres de l’histoire de Madame Marie Leczinska, fille du Roi Stanislas de Pologne).

Enfin le texte est parfois complet sans marque de couture (Arsenal 2962).

Arsenal 2937 semble proposer 41 chapitres