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Mandement de très dévergondée Demoiselle…

Mandement de Très dévergondée Mlle Marguerite-Agathe Ricard, prêtresse de Vénus.


Marguerite-Agathe Ricard, par la grâce de Vénus et de Cupidon, concubine épiscopale, à toutes nos chères et bien amées gourgandines, jeunes servantes, soubrettes et gouvernantes de curés et ecclésiastiques de notre diocèse, salut. 

Nous apprenons tous les jours avec douleur que dans la ville de Beauvais, siège de notre juridiction, un grand nombre de personnes de tout âge, de tout sexe et de toute condition, sont assez téméraires pour donner atteinte à la haute et glorieuse réputation que nous nous sommes acquise depuis l'âge de douze à treize ans, dans l'auguste et aimable république vénérienne. Ces esprits inquiets ne pouvant surtout voir sans une envie extrême que j'ai rangée sous l'étendard de l'amour un pieux et très noble prélat dont le cœur avait été jusqu'ici insensible aux attraits de cette charmante divinité ; ils appellent scandale l'exemple la plus parfaite que tous les prélats du royaume devraient imiter, ô tempora, ô mores !  Hélas! plût à la divine Cypris que depuis longtemps toutes les personnes qu'on appelle mal à propos gens d'honneur, n'eussent pas pris tant de soins d'ensevelir dans les ténèbres un culte si convenable et si nécessaire au bien public. On ne verrait pas notre auguste profession misérablement avilie et détestée au-dehors, par ceux et celles mêmes qui l'exercent avec plus de zèle dans la secret. Tant de jeunes et aimables tendrons ne s'éloigneraient pas des autels de l'amour par une lâche timidité que leur inspire l'horreur publique, et une déplorable et pernicieuse coutume.

Nous vous avouerons, mes très chères et honorées soeurs, que nous nous sentons en même temps pénétrées d'une vive douleur à la vue de ces honteux abus, et animées d'un zèle vraiment cupidonique pour y apporter des remèdes convenables et souverains. C'est pour cela que nous vous envoyons le présent mandement, par lequel, de l'avis de notre très bonne et très commode abbesse la dame d’Hauteuil douairière, nous vous ordonnons de vous trouver dans la quinzaine à Bresle où nous aviserons les moyens les plus propres et les plus faciles pour faire rendre à notre auguste profession l'honneur ou la gloire qui lui sont dus. Nous prendrons en même temps les mesures nécessaires pour punir et réprimer l'audace des téméraires Beauvaisins, et pour ce, nous députerons solennellement vers l'illustrissime et corruptissime République du Pont-Neuf à Paris, pour la supplier de nous envoyer une douzaine de ses sujets, les plus favorisés de dons de Vénus, afin de les répandre à pleins verres dans les culottes de ces parleurs inconsidérés. 

Fait à Bresle, dans le palais enchanté des plaisirs, le vingt du mois d'amour 1718.

Marguerite-Agathe Ricard, prêtresse de Vénus, 

Par ordonnance de Madame Ticquet.

Numéro
£0093


Année
1718




Références

Clairambault, F.Fr.12697, p.125-27 - Maurepas, F.Fr.12629, p.351