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Mandement de Mgr l’évêque de Laon

Mandement de Mgr l’évêque de Laon au sujet d’un imprimé qui a pour titre : Mandement de Mgr l’évêque de Saint-Papoul pour faire part à son peuple de ses sentiments au sujet des affaires présentes de l’Église et des raisons qui le déterminent à se démettre de son évêché.

Étienne Joseph de La Fare, etc.

 

Un grand scandale, M.T.C.F., vient d’éclater dans le royaume et met votre foi à une nouvelle épreuve. C’est une nécessité, dit le Seigneur, qu’il arrive des scandales, mais malheur à celui par qui le scandale arrive. Malheur à celui qui le reçoit et malheur à celui qui l’autorise par son silence.

Vous concevez sans peine quel est cet objet de nos alarmes ; c’est l’imprimé qui depuis quelques jours se répand dans notre diocèse sous le titre de Mandement de Mgr de Saint-Papoul, ouvrage digne en même temps de compassion et d’horreur. On voit un prélat séduit et fasciné par le parti qui l’obsède, se déclarer lui-même hypocrite et sacrilège, gémir de n’en être que plus coupable, parce qu’au lieu de se repentir d’avoir eu l’hérésie dans le cœur, il se repent au contraire d’avoir eu la vérité dans la bouche et de l’avoir fait goûter à ceux qu’il gouvernait.

En disons-nous trop ? et n’est-ce pas de lui – même que nous empruntons les couleurs que nous employons pour le dépeindre ? N’avoue-t-il pas qu’en matière de religion, sa bouche a prononcé ce que son cœur démentait continuellement, et cela parce l’homme ennemi (le démon d’ambition) était entré dans son cœur. Mais, remarquez la bizarre conduite qu’a tenue à son égard l’ennemi de notre salut. Il ne se contente pas de le voir membre d’une congrégation opposée aux décisions de l’Église, il l’en fait sortir par des vues ambitieuses. Cette passion est-elle satisfaite ? Il lui en inspire du dégoût, il l’oblige ensuite à être l’instrument de son propre déshonneur en publiant l’alliance honteuse qu’il a faite pendant plus de douze ans du mensonge avec la vérité ? Enfin il le détermine à se déposer et à se faire ainsi justice, à exciter contre lui l’indignation publique par les aveux les plus étranges et à rentrer dan les ténèbres d’un schisme dont il ne l’avait laissé sortir que pour en faire son jouet d’une manière également singulière et terrible.

C’est ainsi que cet esprit d’erreur et d’orgueil a conduit à sa perte cet homme infortuné, tandis que par toutes sortes d’infamies il exerce ailleurs sa qualité d’esprit impur sur les fanatiques partisans des faux miracles des convulsions. Adorons, M.T.C.F., les desseins du Tout-Puissant qui ne permet ces abominations que pour faire voir à l’univers de quoi l’on est capable lorsqu’une fois on s’est révolté contre l’Église de J.-C. C’est sans doute un avantage pour la religion que Mgr de Saint-Papoul se soit ainsi dévoilé lui-même ; un ennemi caché eût pu faire à l’Église de plus dangereuses blessures. En se démettant de sa dignité, il a épargné à l’épiscopat la douleur de sévir contre lui en le condamnant à la retraite et à la solitude ; il a préservé les fidèles de la contagion de ses mauvais exemples.

Au reste, ne croyez pas, M.T.C.F., que le saint ministère soit obscurci par une démarche si odieuse. Sa gloire est indépendante de la conduite des particuliers ; chaque évêque n’est pas infaillible, il ne l’est qu’autant qu’il est réuni au chef de l’Église et au corps des premiers pasteurs. Quelle hérésie n’a pas eu des partisans parmi ceux même que leur caractère obligeait à la combattre ? Les peuples ne doivent donc croire leur pasteur que quand leur pasteur est soumis lui-même aux décisions de l’Église. Que d’excès encore, M.T.C.F., ne contient pas l’‘imprimé dont nous parlons ? On y justifie le refus de signer le Formulaire ; on y comble d’éloges Mgr l’évêque de Senez, malgré son affreux endurcissement. On le traite de prisonnier de J.-C., quoiqu’il ne soit que la victime de l’erreur et le martyr du démon. La Bulle Unigenitus, ce jugement dogmatique et œcuménique, on l’appelle un funeste décret ; on adhère de nouveau à l’appel des quatre évêques ; on loue les 50 avocats ; on outrage les PP. du concile d’Embrun, et par une précaution trop sensiblement suggérée pour le fixer dans le mal, et pour lui ôter tout moyen de rentrer dans le sein de l’Église, l’auteur réclame par avance contre ce qu’il pourra faire de contraire à cet acte pernicieux.

Tels sont les fruits de la prétendue pénitence de Mgr l’évêque de Saint-Papoul. Or quel crime peut égaler jamais l’énormité d’un pareil repentir ? N’est-ce pas là donner aux ténèbres le nom de la lumière, et à la lumière le nom de ténèbres ? Ponentes tenebras lucem et lucem tenebras.

Cette confusion d’idées, un dérangement si marqué, une conduite si condamnable dans toutes ses parties, tant de principes faux et erronés, les scandales présentés par un homme qui, en qualité de grand vicaire de notre prédécesseur, vous a portés autrefois à embrasser la vérité ; Tout cela, M.T.C.F., ferait sur vos esprits de trop fortes pressions si nous laissions plus longtemps entre vos mains ce triste monument de la faiblesse humaine.

À ces causes, vu l’imprimé qui a pour titre Mandement, etc, le saint nom de Dieu invoqué, nous défendons de lire ou retenir ledit écrit sous peine d’excommunication, encourue par le seul fait, nous réservant à nous seuls le pouvoir d’en absoudre, et ordonnons etc.

Sera le présent mandement lu et donné à Laon dans notre palais épiscopal le 2 avril 1735.

Signé Étienne, évêque-duc de Laon.

Numéro
£0337


Année
1735

Auteur
La Fare, évêque de Laon



Références

BHVP, MS 703, f°44r-44v