Lettre du Roi de Prusse à sa mère
À la Haye, le 8 février 1745
Comme M. de Voltaire a loué plusieurs fois le Roi de Prusse sur la facilité avec laquelle S.M. prussienne faisait des vers français, ayant même composé des opéras et autres pièces de théâtre, on sera peut-être bien aise de voir un échantillon de la poésie de ce monarque, dont voici le sujet :
La veille de Noël dernier, S.M. prussienne envoya à la Reine sa mère une cassette d’une sorte de pierre rare. Il y avait trois tiroirs dont l’un contenait de la myrrhe, le second de l’encens et le troisième mille louis d’or avec les vers qui suivent :
Reine, autrefois trois rois portèrent
À l’enfant-né qu’ils adorèrent
De l’or, du myrrhe, de l’encens.
Daignez, de grâce, condescendre
Que je m’émancipe à vous rendre
Au même jour, mêmes présents.
La myrrhe est cet amour si tendre,
Les respectueux sentiments
Que j’eus pour vous de tous les temps
L’encens, ce sont les vœux que j’offre
Au Ciel pour prolonger vos ans ;
Et le métal du fond ou coffre,
Est trop heureux s’il sert à vos amusements.
F.Fr.10477, f°225