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Copie de la lettre d’un religieux bénédictin à un ami

Copie de la lettre d’un religieux bénédictin à un ami

 

Auxerre, 15 juillet 1754

Comme je vous satisfais toujours, mon cher ami, sur ce qui se présente de plus nouveau et intéressant, vous ne serez pas fâché d’apprendre une nouvelle qu’on assure être aussi véritable qu’elle paraît singulière.

On prétend que le Roi, ennuyé des troubles qui agitent l’Église et l’État, pour y mettre fin vient de prendre la résolution de faire assembler cinquante mille homme du clergé dee France dans la plaine de Saint-Denis, tant réguliers que séculiers, lesquels seront commandés par l’archevêque de Paris, combattant à armes blanches pour soutenir les intérêts de la Bulle d’une part, et aussi de pareil nombre de magistrats tirés des cours souveraines du royaume, présidiaux, bailliages et sénéchaussées, armés de même, et commandés par M. le premier président du Parlement de Paris, combattants pour l’appui de l’Appel, et empêcher qu’à l’avenir aucun ecclésiastique ne s’immisce d’exiger des billets de confession, ni faire des refus de sacrements à quelque personne que ce puisse être, de sorte qu’il a tout lieu de croire que le champ de bataille deviendra tombeau de la Bulle ou de l’Appel. Malgré ma surprise, je vous dirai franchement qu’il n’y a qu’un pareil moyen qui puisse terminer de telles contestations. Vous rirez sans doute à la lecture de ma lettre par l’idée que vous vous formerez de voir tous ces magistrats combattant pour une cause qui ne regarde que de profonds théologiens. Je ne veux pas présumer de mon érudition, mais je pense qu’il faut avoir bien étudié ces matières pour en prendre un juste parti.

Quoi qu’il en soit, ce n’est pas un petit embarras pour moi de me voir engagé dans l’état de religion à la sollicitation de mes parents, qui me met aujourd’hui dans le cas d’exposer ma vie pour soutenir un parti dont je ne ferais que rire, ainsi que de celui contraire si j’étais resté dans le monde. Nous n’avons d’autre ressource dans ces circonstances que de mettre toute notre confiance dans l’Etre suprême qui est le Dieu des armées. J’espère que, combattant pour la bonne cause, le Ciel daignera favoriser nos armes. Si je suis député pour me trouver à cette bataille, dont le jour n’est pas indiqué, priez pour ma conservation.

Numéro
£0408


Année
1754 juillet




Références

F.Fr.10479, f°371-372