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Copie de la lettre écrite par le père Girard à Mlle Cadière de Toulon le 22 juillet 1730

Copie de la lettre écrite par le père Girard à Mlle Cadière de Toulon le 22 juillet 1730

Voici ma chère enfant, la troisième lettre en trois jours. Tâchez de m’obtenir du temps. Dieu soit loué, bientôt peut-être ne pourrai-je rien faire que pour celle à qui j’écris. Toujours sais-je bien que je la porte partout et qu’elle est toujours avec moi, quoique je parle et que j’agisse avec d’autres personnes ; je rends mille grâces à Notre Seigneur de la continuation de ses miséricordes : pour y répondre, ma chère fille, oubliez-vous et laissez faire. Ces deux mots renferment la plus sublime disposition. Ne dites mot sur tout ce que vous a recommandé Monseigneur ; nous verrons tous deux ce qu’on peut faire et dire ; il est arrivé ce matin et je lui ai déjà parlé de vous par occasion. Je ne crois qu’il aille à Olioules ; je lui ai fait entendre que cet éclat ne convenait pas. Je pourrai peut-être par occasion lui parler de la sainte messe. Le grand vicaire et le Père Sabatier iront apparemment lundi vous voir ; ce dernier après lui avoir parlé, m’a fait entendre qu’il ne vous demanderait rien. Mais si par hasard ou l’un ou l’autre s’avisaient de le faire, et même au nom de l’évêque, en souhaitant de voir quelque chose, vous n’avez pour toute réponse qu’à dire qu’il vous est très étroitement défendu de parler et d’agir. Mangez gras, comme on le veut, je vous l’ai écrit. Oui, ma chère enfant, j’ai besoin d’assurance ; vous n’en serez point la victime ; n’ayez point de volonté et n’écoutez point de répugnance : vous obéirez en tout comme ma petite fille qui ne trouve rien de difficile quand c’est son père qui demande. J’ai une grande faim de vous revoir et de tout voir. Vous savez que je ne demande que mon bien, et il y a longtemps que je n’ai rien vu qu’à demi. Je vous fatiguerai ; hé bien, ne me fatiguez-vous pas aussi ? Il est juste que tout aille de moitié ; je compte bien qu’enfin vous deviendrez sage, tant de grâces et d’avis ne demeureront pas inutiles. Je suis ravi que vous soyez contente du père gardien ; je recommanderai au bon Dieu : n’oubliez pas de votre côté ma malade, ma sœur et les autres personnes que je vous ai recommandées. Mlle Guyol vous trouva hier mourante, et votre frère vient de me dire que vous vous portiez à merveille ; vous êtes une inconstante ; ce serait bien pis si vous deveniez gourmande ; patience, je veux savoir si le maigre se supporterait ; le temps nous instruira ; commencez toujours ces jours d’abstinence par le maigre, s’il ne passe pas ou s’il revient d’abord ; suivez cette règle, nous découvrirons la sainte volonté de notre maître. S’il faut sortir, c’est une nouvelle et une grande peine pour vous et pour moi ; mais le bon maître soit béni, nous serons soumis et nous consentirons à tout. Bonsoir, ma chère enfant, pourrez-vous déchiffrer ce griffonnage ? Comptez bien, cette lettre-ci vous dit que vous venez toujours après moi, et il est dangereux que vous ne l’atteignez pas, à moins que vous n’en écriviez deux par jour. Adieu, ma fille, priez pour votre père, pour votre frère, pour votre ami, pour votre fils et pour votre serviteur.

Numéro
£0309


Année
1730




Références

Stromates, I, 114-16 - Besançon BM, MS 561, p.149-153


Notes

C’est ici la fameuse lettre du P.G. qui a fait tant de bruit. (Stromates)