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Billet d’enterrement de la Bulle Unigenitus

Billet d’enterrement de la Bulle Unigenitus

Vous êtes prié d’assister au convoi, service et enterrement de très puissante Dame Clémentine Constitution, reine de la Bulle, gouvernante de tous les évêques et archevêques, abbés et bénéficiers, ecclésiastiques de France et autres lieux, décidant seule du mérite par le choix des sujets ; née à Paris en 1713 à la suite de la persécution de Port-Royal pour en couronner l’œuvre ; et donnée à Rome par le pape Clément XI à la Société qui s’appelle de Jésus, le 8 septembre 1713.

Laquelle, après avoir exercé son empire dans tout le monde chrétien, tant sur les morts que sur les vivants, et fait retentir du bruit et des exploits toute la terre, pour n’avoir pas su ménager ses forces à propos, fut blessée d’un coup de soleil à Paris, dont elle mourut, après plusieurs chutes et rechutes, malgré tous les efforts de la nature humaine et les secours de tous ses amis

Elle sera inhumée au couvent des jésuites de la rue Saint-Antoine, lieu de sa naissance, dans un caveau large et profond, destiné à recevoir ses obsèques et celles de ses descendants.

Le convoi sera brillant et des mieux mis, à la droite du chœur qui sera tendu de rouge pour le Parlement de Paris. Il y aura aussi plusieurs personnes de qualité, quelques évêques, plusieurs monseigneurs et une multitude de peuple de toute qualité et condition.

À la gauche, qui sera tendue de noir, seront tous les R.P.P. jésuites et leurs fidèles coopérateurs.

Au milieu sera le tombeau de la défunte en forme de mausolée, couvert d’un grand drap mortuaire ; au-dessus un un flambeau éteint et fumant encore, avec cette inscription :… elle a été.

Au côté droit de ce tombeau, seront représentées en rouge la Grâce et la Vérité vêtues de blanc, tenant des palmes à la main, et le Saint-Esprit descendant en tourbillon, symbole de l’amour de Dieu, viendra se reposer sur leurs têtes, pour leur servir de couronne, avec cette inscription : Plus puissant que l’enfer.

Au côté gauche paraîtront l’Orgueil et l’Ambition, vêtues de noir et fondant en larmes d’avoir perdu leur fidèle protectrice ; elles porteront sur leur tête la Discorde et l’Envie, les yeux enflammés, avec cette devise : Son tombeau n’est pas le nôtre.

On chantera le Te Deum à droite et le Miserere à gauche.

Devant ce tombeau, seront placés des archevêques et évêques destinés à faire la cérémonie ; mais sans mitre, pour marque de leur douleur.

L’archevêque de Paris officiera pontificalemnt, et sera assisté des archevêques de Lyon et de Sens ; l’ancien évêque de Mirepoix annoncera les antiennes, et ceux de Troyes et de Montpellier chanteront tour à tour les leçons des vigiles ; celui de Bethléem portera le livre et celui d’Amiens le registre mortuaire.

L’oraison funèbre sera prononcée par le R.P. de la Neuville, qui s’en est chargé à cause de l’étroite union avec la Société.

Il n ‘y aura pas d’encens, parce que la trop grande quantité qu’on en a prodigué pendant la vie de la défunte a contribué à sa mort.

Les cierges ne seront pas allumés parce que la défunte aima toujours les ténèbres, ayant souvent éprouvé que le trop grand jour lui était contraire. Au reste, le tout sera en bonne forme et avec un applaudissement général de tous les connaisseurs et fidèles.

La conclusion de l’oraison funèbre sera terminée par les regrets sur la mort du P. Le Tellier, fidèle amant de la défunte, mort en la voulant sauver d’un assasin prémédité.

Ledit défunt sera représenté à ses pieds tenant à la main droite une dague ensanglantée, à la main gauche un mouchoir, et sur sa tête sera cette phrase : Je suis mort pour l’amour d’elle.

 

         Te Deum                             Miserere

Par le Parlement                 par les jésuites

 

Numéro
£0410


Année
1754




Références

F.Fr.10479, f°390-391