Harangue faite au Roi par M. de Fontanieu,

premier président du Grand Conseil

au camp de Tournai, le 6 juin 1745

L’honneur que Votre Majesté fait aujourd’hui à votre Grand Coneil le rappelle à la noblesse de son origine.

Formés sous les yeux de nos maîtres et destinés à les suivre en tous lieux, nous avions le bonheur  d’être témoins de leurs exploits. C’est nous rendre le plus beau, le plus cher de nos privilèges que de nous permettre d’accourir, pour faire éclater à vos yeux les transports que vos triomphes nous inspirent.

Et quels triomphes, Sire, méritèrent jamais plus de transports !

Vous partez, et la nouvelle de la plus grande victoire vient essuyer des pleurs que nous donnions encore à votre absence ; et ses premiers pas le mènent à la gloire ; Votre Majesté a montré en un jour le grand art de préparer les événements, de tout ôter à la fortune, de vaincre.

Tournay, la première conquête de vos ancêtres, devenu le rempart de vos ennemis, reconnaît déjà son ancien maître ; sa valeur nous rend ce que la politique avait sacrifié au repos de l’Europe. Mais, Sire, la rapidité de vos succès n’a point dérobé aux yeux éblouis de vos peuples les périls que vous avez méprisés. Nous en avons frémi jusque dans l’excès de notre joie ; vous avez exposé un bien que le Ciel nous a donné et dans lequel il nous a conservé plus d’une fois tous les biens ensemble.

Oui, Sire, nous tremblons pour Votre Majeté et ces guerriers généreux qui vous environnent  ne désavoueront point nos alarmes, puisque c’est l’unique crainte qui puisse entre dans leurs cœurs.

Monarque adoré, heureux père, héros victorieux, jouissez, Sire, de tous les titres qui sont la félicité des peuples et la grandeur de Rois. Puisse l’éclat de ces augustes titres dessiller les yeux de vos ennemis et les forcer à désirer une paix que vous cherchez au sein de la victoire.