Aller au contenu principal

Parodie de la sentence des cloches, rendue par M. Hérault, lieutenant général de police

Parodie de la sentence des cloches, rendue par M. Hérault, lieutenant général de police.

Jugement rendu en dernier ressort par Momus, conseiller d'État d'Apollon, lieutenant général de police et MM. les commissaires en cette partie,

Contre Arouet de Voltaire, au sujet de sa tragédie de Brutus, représentée pour la première fois à la Comédie française, le … [sic] 1730

Vu par nous, Momus, chevalier seigneur des plaisnteries, Conseiller d’État et lieutenant général de police du Parnasse ; Houdar de La Motte, Seigneur de Romulus, d’Œdipe, d’Inès de Castro ; Nicolas Danchet, seigneur des Pindarides et autres pièces ; Jacques Piron Seigneur de Calisthène et Blaise de Boissy, seigneur d’Alceste, commissaire du Conseil d’Apollon en cette patrie. La requête à nous présentée par Pierre Fontenelle sous le nom de Dlle Bernard, par laquelle il nous aurait demandé acte de l’appel qu’il interjetait des applaudissements que le parterre aurait pu donner à la nouvelle tragédie du Sr Voltaire, ainsi que de la demande en revendication de lad. tragédie qu’il affirme n’être qu’une refonte de celle de Brutus qu’il aurait anciennement donnée sous le nom de lad. Dlle Bernard. Faisant droit sur l’appel et sur la requête dud. Fontenelle, avons mis et mettons les applaudissements donnés le 11 du présent à la pièce dud. Voltaire au néant, sans avoir égard à l’approbation du parterre, que nous déclarons pour la première fois être susceptible de faillibilité, et ayant aucunement égard au rapport des spectateurs désintéressés qui ne se laissent pas séduire par les sons éclatants d’un vers qui ne doit souvent son mérite qu’à l’acteur qui le fait valoir. Ordonnons que les 1500 vers refondus de la nouvelle tragédie dud. Voltaire, en exécution du marché passé entre lui et les comédiens, demeureront pour son compte, et à ses périls et risques, et en conséquence le condamnons par corps à rendre au Sr de Fontenelle ou à la Dlle Bernard, fondée de sa procuration, la quantité de 7 à 800 vers que led. Voltaire aurait pris dans la pièce dud. Fontenelle et qu’il aurait retournés pour en cacher le larcin, de même qu’une partie des sentiments romains qui auraient fait l’admiration du public dans la bouche de Brutus, comme produits par l’esprit de Voltaire et qui n’étaient que l’écho de Fontenelle, et à défaut, par led. Voltaire de faire lad. restitution, le condamnons par les mêmes voies à partager avec lad. Dlle Bernard les émoluments et profits que la décadence du siècle et du bon goût lui assurent, suivant le calcul qui en sera fait par le contrôleur de la Comédie, lad. Dlle Bernard dûment appelée. Déclarons le présent jugement solidaire avec Nicodème Thiriot, sa caution, et attendu la contravention dud. Voltaire au véritable esprit du poème dramatique, lui défendons sous les peines terribles du sifflet, de prendre à l’avenir aucun sujet de tragédie qui aurait été traité avant lui, crainte que sa mémoire ne lui fournisse des traits que sa vanité croira lui appartenir ; lui ordonnons pareillement de faire parler une Romaine en Romaine et non en héroïne d’opéra, de donner dans l’ambassadeur l’idée de son véritable caractère, et non celui d’un fourbe maladroit dont la grossièreté se dévoile à celui même qu’il veut tromper, et surtout lui défendons d’employer dans ses tragédies de ces traits et de ces vers séducteurs qui étonnent l’ignorant, éblouissent le savant et arrachent l’admiration de ceux mêmes qui ne les entendent pas. Signé Pellegrin, greffier.

 

De par Momus et Messieurs les commissaires du conseil d’Apollon1

On fait à savoir à tous auteurs, fripiers et revendeurs qui veulent donner à peu de frais des tragédies au public que les sons de huit cents vers refondus par Arouet de Voltaire seront vendus sur le théâtre de la Comédie française au mieux offrant samedi 18 du présent mois pour la 2ème et samedi 24 pour la 3ème et dernière fois. 

Sans aucune remise pour du prix en provenant en être fait distribution ainsi qu’il appartiendra confomément à l’arrêt de Momus et de Messieurs les commissaires eet sera passé outre à ladite vente nonobstant opposition et appellations quelconques comme pour fait de police afin que personne n’en ignore.

Signé La Folie, afficheur de la police du Parnasse.

 
  • 1Appendice présent dans Arsenal 3133

Numéro
£0277


Année
1730




Références

Clairambault, F.Fr.12699, p.545-47 - F.Fr.15144, p.107-13 - Arsenal 2975, p.153-56 - Arsenal 3133, p.180-85 - Glaneur historique, 4 janvier 1731