Extrait des registres de la basoche
Arrêt de la basoche en faveur des avocats du Parlement de Paris
Extrait des registres de la basoche
Le Grand Thomas, seul du nom, les marchands commissionnaires, savoyards, chansonnniers et autres gens de professions libres, établis sur le Pont-Neuf et lieux adjacents, ont représenté à la Cour par une requête communiquée aux gens de la Basoche, que la plus grande partie des avocats du Parlement de Paris ayant quitté le Palais pour des raisons qu’il n’appartient point aux suppôts du Pont-Neuf d’approfondir, puisque les avocats eux-mêmes ne les savent pas. Il aurait été résolu à la pétaudière des avocats, avant une mûre délibération, qu’ils ne rentreraient point dans leurs fonctions, à moins qu’ils n’obtiennent de leurs supérieurs la satisfaction et la soumision qu’ils prétendent leur être due, et du public une réparation d’honneur en bonne forme pour toutes les railleries que l’ordre a essuyées de sa part depuis leur retraite; et qu’en cas que les supérieurs par une déclaration publique ne reconnussent pas entre eux et l’ordre sublime des avocats une égalité de rang, de pouvoir et de condition, à laquelle les non rentrants veulent bien se restreindre pour le bien de la paix; et que le public contre toute apparence, quoiqu’injuste estimateur du vrai mérite, s’obstinât à se se passer de la supériorité de leurs lumières, ils s’établiraient de leur autorité privée sur le Pont-Neuf, pour y exercer telle profession qu’il leur plairait de choisir.
Sur quoi le Grand Thomas et ses adjoints, connaissant dans les supérieurs et dans le public des dispositions contraires aux intentions des non rentrants, ont demandé que, pour prévenir les troubles qui ne manqueraient pas d’arriver, défenses soient faites auxdits avocats d’entreprendre d’exercer aucune des professions libres susdites surle Pont-Neuf et lieux adjacents, sans en avoir auparavant obtenu d’eux la permission et le privilège; alléguant que, quoique leur profession soit libre, aussi bien que celle des avocats, et qu’il y ait une espéce de confraternité entre toutes les professions libres, ils sont néanmoins en possession de tout temps d’examiner, de recevoir et de refuser quand il leur plaît tous ceux qui aspirent à un établissement sur le Pont-Neuf, de quelque qualité et condition qu’ils puissent être. Requérant à cet effet qu’ils soient conservés dans la jouissance du droit qu’ils ont toujours exercé, d’exclure du Pont-Neuf tous ceux dont la réputation n’est pas à couvert de la censure du public.
Ouï sur ce lesdits gens de la Basoche en leurs conclusions, la matière mise en délibération, la Cour a débouté le Grand Thomas et ses adjoints de leurs demandes et prétentions; permis aux avocats non rentrants de s’établir sur le Pont-Neuf et lieux adjacents, d’y exercer telle profession des susnommés qu’il leur plaira de choisir, sans être obligés d’en obtenir la permission desdits Grand Thomas et adjoints, aux droits desquels elle déroge à l’égard des non rentrants seulement; permis en outre d’y exercer telle autre profession libre qu’ils jugeront à propos, à l’exception néanmoins de celle de marchand, pour laquelle il est nécessaire d’avoir une certaine connaissance de la valeur des choses, et de la probité jusqu’à un certain degré, suivant nos règlements et ordonnances, de laquelle les non rentrants sont obligés de faire preuve par devant led. Grand Thomas et ses adjoints. En outre, la Cour, touchée de l’indigence de la plus grande partie des non rentrants, et de la misère qui menace leurs femmes et leurs pauvres enfants, auxquels le pain quotidien est plus nécessaire qu’un point d’honneur bien ou mal entendu, leur accorde le privilège exclusif de travailler dans toute l’étendue de la juridiction de la Basoche à la destruction des chenilles, soit par consultation, main-d’oeuvre ou autrement; enjoint en même temps aux policiers des halles d’établir par forme de contribution un droit sur les salades à venir, lequel sera employé à la susbsistance desdits non rentrants et de leur famille suivant l’état qui en sera présenté à la Cour. Fait en conscience à la Basoche, le 20 juillet 1735. Signé La Buvette.
Clairambault, F.Fr.12702, p.287-90 - F.Fr.13661 - F.Fr.15147, p.95-102 - BHVP, MS 659, p.184-88 - 1754, V,161-64 - F.Fr.12785, f°131-132 - Chambre des députés, MS 1423, f°84 (imprimé) - Lille BM, MS 62, p. 80-86