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Catalogue des pièces jouées en France, à la cour et à la ville, pendant le courant de l’année 53

Catalogue des pièces jouées en France, à la cour et à la ville, pendant le courant de l’année 53


L’Opiniâtre, comédie en cinq actes. M. l’archevêque de Paris y joue le premier rôle ; le Parlement celui de raisonnable ; les jésuites les rôles de valet de l’Opiniâtre. M. de Mirepoix sert de souffleur. On donne en même temps pour petite pièce, la Petite ruse. M. l’évêque de Langres y fait le premier rôle. Ces deux pièces se sont soutenues jusqu’à ce jour contre toute raison. On dit que le public commence à s’en lasser et qu’elles seront culbutées dans peu. Elles ont été jouées à Paris.

 

La Cacophonie, comédie en trois actes, représentée en Sorbonne par les directeurs. Elle n’a pas eu de succès. Les acteurs ont été bafoués du public. On attribue cette pièce au Nonce.

 

La Considération, grande pièce représentée à la cour. M le chancelier s’est chargé bonnement du premier rôle. Il s’en est fort bien acquitté. La pièce est mal dialoguée et sans raisonnement ; elle a été sifflée.

 

L’Exil, comédie qui se soutient encore, quoiqu’on n’y ait observé aucune des règles du poème dramatique ; on ne remarque ni unité de temps, de lieu ou d’action. M. d’Argenson en est auteur ; quoique les acteurs jouent depuis près de six mois, on n’en a point encore vu le dénouement. Les connaisseurs pensent qu’il pourra bien être tragique. Elle se représente à la cour et à la ville.

 

L’Irrésolu, pièce qui ne finit point. Oon dit que le jeu du prince qui y fait le premier rôle, n’est pas naturel et qu’il a été dressé par des hommes qui n’ont point de goût. La pièce ennuie le public ; elle se représente à la cour.

 

La Religion sauvée, pièce tragi-comique. M. d’Argenson y joue un rôle ; le public trouve qu’il est forcé. MM. Les archevêques de Paris et de [ill.] jouent aussi, mais ils ne saisissent pas l’esprit de leurs rôles. Ces trois acteurs pourraient être récusés à la chute de cette pièce. Elle se représente à la cour et à la ville.

 

La Cabale, grande pièce. L’archevêque de Paris et plusieurs évêques de France, et les jésuites y jouent les premiers rôles. Les directeurs de Sorbonne font ceux de valets ; M. de Mirepoix celui de père ; on dit qu’il se surpasse et qu’il joue avec ses entrailles. Cette pièce tombera ; elle est grossièrement ourdie ; elle se joue dans le palais épiscopal.

 

Les Aveugles, grande pièce jouée par une auguste famille, chère aux Français. On dit que M. de Mirepoix en est auteur, et qu’il s’est réservé le rôle de conducteur ; Elle se soutiendra jusqu’à ce que ce mauvais acteur, qui ne voit pas beaucoup mieux que les autres, ait fait tomber de dessus le théâtre toute sa troupe.  Le bon Français craint que la chute ne soit mortelle. La représentation est à la cour.

 

La Patrie, pièce héroïque. Le premier président et le plus grand nombre du parlement y jouent les principaux rôles. Le prince de Conti y a fait aussi un personnage ; apparemment que son jeu a déplu, il s’est retiré. M. d’Argenson et les bonnes têtes du clergé y font les rôles de courtauds, dans lequels ils excellent. Malgré cela, le public ne les voit pas avec plaisir, parce qu’ils se sont chargés de rôles odieux. On croit que l’on sera obligé de les supprimer, tout en irait mieux dans la pièce. La représentation est à la cour eet à la ville.

 

Le Presque Français, petite pièce qui n’a pas beaucoup de feu. MM. Machault et Noailles avec quelques seigneurs de la cour y jouent assez froidement. Si l’auteur y peut mettre un peu plus d’âme et de nerf, elle se soutiendra. C’est le souhait du public. La représentation est à la cour.

 

Les Fanatiques, comédie en cinq actes. L’auteur est ultramontain ; elle a été revue et corrigée par les jésuites ; plusieurs curés et vicaires de Paris y ont parfaitement bien joués ; les bons Français gémissent de voir un prince, leur espérance, se charger d’un rôle dans cette pièce. Elle tombera ; il y a contre elle une cabale de philosophes ; la représentation est à la ville, quelquefois à la cour.

 

Les Muets, comédie pantomime en plusieurs actes. L’auteur ne se nomme pas ; on l’attribue pourtant à M. de Serville, homme très bien faufilé. M. le duc d’Orléans avec plusieurs princes du sang et tous les ducs et pairs de France sont les premiers rôles ; les seigneurs subalternes y font le rôle de valets. Cette pièce entraîne le gros de la nation et fait pitié au petit nombre des hommes qui pensent. On croit que si elle tombe, le beau sexe en sera la cause ; il s’y ennuie à la mort. La représentation est à la cour et à la ville.

 

Les Petits appartements, petite pièe très galante ; le premier personnage est rempli par un héros bien aimé et qui mérite de l’être par les sentiments d’humanité qui animent son cœur ; les autres rôles sont remplis par des personnes tout à fait aimables. La pièce est allégorique : on y fronde ingénieusement les ridicules des hommes. La représentation est à la cour ; le public désirerait qu’on la donnât moins souvent.

 

Les Délateurs, comédie pleine d’intrigue ; on l’attribue à M. de Mirepoix ; l’abbé Moreau et quelques grosses perriques du Parlement en ont joué les principaux rôles et fort bien. Les jésuites y ont aussi joué supérieurement. L’auteur a été si content du jeu de l’abbé Moreau qu’il lui a donné une bonne récompense. M. l’archevêque a trouvé qu’il l’avait bien méritée. Le public en a été indigné. La représentation est à la cour et à la ville.

 

 

La Chambre royale, grande pièce. On dit que les acteurs se sont chargés de leurs rôles à contre-coeur. Aussi la pièce ne prend point dans le public, quoique M. le chancelier et M. d’Argenson s’intéressent en sa faveur. La représentation est au Louvre.

Numéro
£0366


Année
1753




Références

BHVP, MS 653, p.342-47