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Chapitres sommaires de l'histoire de l'Eglise du Diable

Chapitres sommaires de l’histoire de l’Église du Diable1

L’Opéra

1. — Comme quoi le Diable se ramentevant nullement de son trebuchement désira voir temple et église cathédrale pour y être adoré comme Dieu.

2 — Des noms que reçurent iceux temples et icelle église cathédrale et comment icelle fut premièrement desservie.

3 — Comme quoi le Diable, pour établir évêques à soi convenables et en tout dissemblables à ceux de Dieu, qui doivent être élevés en toute sainteté, voulut que les siens fussent nourris et consommés en toute sortes de vices, et pour ce ordonna qu’ils seraient appelés d’Italie.

Lully

4 — Comme quoi Baptista Luli fut premier évêque de l’Église du Diable ; comme quoi il était né en terres papales ; comme quoi selon l’ordre de Satan, il fit règlement par lequel il ordonnait que les prêtres et nonnes qui serviraient dans le temple feraient preuve, tant pour eux que pour leurs père et mère, de ruffianisme, bâtardise, maquerellage, etc. et comme quoi aucuns d’iceux et d’icelles n’y ont depuis failli.

5. De là de faire le service dans icelle cathédrale et comme quoi aucuns des prêtres et nonnes chantaient cantiques diaboliques fait exprès pour la corruption de la jeunesse ; et cependant qu’aucuns autres ballaient, trepudiaient et qu’aucunes des nonnes sautaient jusqu’à montrer leurs vergognes sales.

6. — Comme quoi l’évêque Luli, après avoir siégé par long de temps pour la plus grande gloire du Diable, alla de vie à trépas, et comme quoi fut enterré en beau mausolée, jaçois que chacun cuida avoir de ses cendres.

Francine

7. Comme quoi Frizani son parent, lui succéda, sous le pontificat duquel fut construite la sacristie pour l’éducation des nonnes.

Magasin

8. – Des vilainies et friponneries dususdit Frizani, comme quoi mangeait et ribaudait toutes les fondations, et comme quoi, avec sa garce lumineuse, il soulait brûler la chandelle par les deux bouts.

9. Où se voit le martyrologe et se lisent les noms d’aucuns princes, ducs, chevaliers, ambassadeurs et autres riches pécheurs, lesquels, pour l’amour du Diable et entretien de ses nonnes, se sont dépouillés à l’envi de tout leur avoir, d’où s’est ensuivie leur ruine totale.

10. – Comme quoi Dieu, cuidant rappeler à lui iceux pécheurs, affligea icelui évêque, ses prêtres et nonnes, d’un or de lèpre dont se souillaient immanquablement chacun et chacune qui avaient leur accointance.

11. Comme quoi l’évêque Frizani fut déposa et emporta quant et lui quantité des ofrrandes du temple.

Gruer

12. Comme quoi l’évêque Grue lui succéda, lequel ne tint le siège moult de temps, ains fut chassé pour n’être italien et avoir fait gambader dans la sacristie plusieurs nonnes en présence de ses grands vicaires.

Prince de Carignan

13. – Comme quoi Dieu, désirant abolir ce temple de perdition, se servit du canal de la Bastarde d’Allobroc, née en basses marches d’Italie.

14. – S’ensuit la chronique d’icelle Bastarde, comme quoi issue d’un père sycophante et d’une mère putain, était méchante, sans foi, sans honneur, jaçoit qu’elle fit la bigote ; comme quoi épousa ce prince Sbrigani, comme quoi ribaudait avec le vieil Hercule, qui ja n’en pouvait plus, comme quoi le menait par le nez et lui faisait faire sottises et injustices sans nombre, lesquels toutes tournaient au profit d’icelle bastarde2 .

15. – Comme quoi le prince Sbrigani était insigne paillard, nourri et maître passé en tout genre de friponneries et de bassesse, à la recommandation d’icelle bastarde, sa femme, reçut bulle qui l’installa évêque de la cathédrale du Diable et prit pour son vicaire un comte borgne, et comme quoi ledit temple se commença alors à aller de mal en pis sous le prince Sbrigani qui, après avoir moult pillé se démit de l’épiscopat.

16. – Comme quoi le siège fut tenu après lui par Sr Egide. Ci est la chronique dud. Sr. Egide, lequel n’étoit autre qu’un aventurier venu du pays des marmottes, lequel se faisait appeler le comte pour rire, et jaçoit qu’il n’eut esprit, ni rente, paillardait avec gentilles garces et dépensait moult bien au grand émerveillement de tout.

Le chevalier de Brassac, auteur du Ballet de l’empire de l’amour. Moncrif, auteur de l’Histoire des chats.

17. — Comme quoi Dieu voulant accélérer de plus en plus la ruine de l’église du Diable inspira au noble chevalier de Casbrace de musiquer aucune mauvaise litanie, faites par le père des chats en l’honneur du Diable, en quoi icelui preux et dextre chevalier oeuvra si très parfaitement selon le voeu de Dieu que tous les pécheurs, saisis et glacés, se sauvèrent du temple et n’ont voulu depuis y rentrer, de laquelle désertion s’est ensuivie la fuite de l’évêque de Saint-Egide qui n’oublia d’emporter tout ce qu’il put.

  • 1Voici des chapitres sommaires sur l’Opéra dans le goût de ceux qui parurent dans la Régence sur Papirius. J’en supprime quelques chapitres dont la satire grossière attaque des personnes respectables par leur rang et leur naissance. Rappelons pour éclairer quelque peu ces allusions satiriques les noms des différents directeurs de l’académie royale de musique : Francine (1712-1728), Destouches (1728-1730), Gruer (1730-1731), Le Comte (1731-1733) – Saint-Gilles (1733), Thuret (1733-1744). [Journal de la cour et de Paris]
  • 2Les chapitres 14 et 15 ne figurent pas "par décence" dans la copie du Journal de la cour et de Paris.

Numéro
£0206


Année
1733 avril




Références

Clairambault, F.Fr.12705, p.9-14 - Maurepas, F.Fr.12633, p.199-203 - F.Fr.13661, p.321-25 -F.Fr.15146, p.371-82 -  Journal de la Cour et de Paris, Saint-Etienne, 1981, p.82-84.