La carcasse de la Sorbonne
La Carcasse de Sorbonne
En 1730, on exilait tous les docteurs de Sorbonne qui refusaient d'accepter la Constitution, un nombre infini étant de très grands hommes, l'abbé Pucelle, conseiller au Parlement, homme d'un rare mérite et d'une science profonde, dit que la Sorbonne n'était plus qu'une carcasse. Ce mot donna occasion à la pièce suivante :
Extrait d'une lettre de Lyon, du 15 mai 1730
Le graveur qui a fait ici les estampes destinées à mettre au nouveau bréviaire où l'on a inséré la légende de Grégoire VII, travaille à une estampe qu'on dit qui fera sa fortune: l'esquisse est bien avancée; il avertit ceux des docteurs constitutionnaires qui voudront être placés avantageusement dans le tableau, d'envoyer leurs portraits. Si d'ailleurs il est gravé, leurs noms ou leurs armes au défaut de leurs portraits.
C'est la carcasse d'un grand âne placée devant une auge au-dessous d'un râtelier. Sur chaque ridelle du râtelier, il y a une des qualifications des cent une propositions condamnées par la Bulle. Le râtelier est garni de tous les écrits des molinistes en faveur de la Constitution. Il y a dans l'auge un fouillis des avertissements de M. de Soissons, des mandements de Gap, de Marseille, de Carcassonne, Arles, Aix, Reims et beaucoup plus d'écrits signés Bissy qu'un âne affamé n'en mangerait en un jour, avec un gros volume broché de Marie à la Coque.
Cette carcasse d'âne a la mâchoire béante, le graveur a laissé la langue et les oreille, sur la langue est écrit Romigny (Syndic de Sorbonne). Sur chacune des oreilles on lit L'Huillier (curé de Saint-Louis en l'Ile) senior; sur la droite Lhuillier minor. Sur la gauche, sur le plat du front est gravé le moine d'Anières (village près Paris)1 .
Les vertèbres et partie des côtes sont cachées par un bât, sur lequel est monté un grand vieillard2 que tout le monde connaît, qui tient d’une main la bride de la bête et un bouquet de chardons fleuris, avec la Bulle de l’autre main et une poignée de lettres de cachet. Cette carcasse est encore chargée d’échelles à crochets qui tiennent au bas, et à chaque crochet les portraits et les noms des grands docteurs constitutionnaires, moines et autres.
Sur les os du squelette on voit les noms des hommes illustres. Vers le dernier vertèbre près de la queue, est gravé le saint Grand Colas et autres.
Au dernier petit osselet de la queue est le dernier docteur qui a reçu le bonnet à son aise et sans coup férir dans une chapelle domestique.
Dans le coin, la Carcasse rue contre une foule innombrable de docteurs vénérables qui sont la vraie faculté de théologie de Paris. Ils sont avec leurs fourrures et l’armure que saint Paul ordonne aux chrétiens d’être vêtus. Les quatre évangélistes, les pères de l’Église grecque et latine, forment une ceinture qui les environne ; autour des jambes de la Carcasse se lisent les noms de Guillaude, Coureaux, Montcrif et autres jeunesse doctorisée.
Dans un autre coin de l’estampe, près de l’auge, les docteurs sulpiciens appelant une troupe de petits bacheliers et leur taillant des fourrures doctorales avec des peaux d’âne passées en huile. Sous les pieds de la Carcasse est écrit en gros caractères Carcasse de la faculté de théologie de Paris en 1730.
Arsenal 2976, p.115-119 (incomplet)Clairambault, F.Fr.12700, p.364-364 bis -