Discours de M. de Maurepas
Discours prononcé par M. de Maurepas, ministre et secrétaire d’Etat
à MM. Les prélats à l’assemblée du clergé au mois de 1748
Messieurs,
Nous touchons au moment de voir succéder la paix et la tranquillité à la guerre la plus animée. L’Europe rend enfin justice à la modération du Roi.
Nous l’admirions, Messieurs, cette vertu et les sentiments qu’elle lui inspire, dont j’ai plus d’une fois été l’interprète auprès de vous, après en avoir été si souvent témoin dans ses conseils, et nous éprouvons sans cesse qu’elle est la base de toutes celles qui forment son caractère ;
Mais les puissances armées contre nous pouvaient-elles se le persuader ? Tout ce qui frappait leurs yeux aidait à les tromper ; un peuple jaloux de la gloire de son Roi ; des ressources toujours renaissantes ; des armées nombreuses qui se reproduisaient sans cesse ; les entreprises les plus difficiles couronnées par les succès : tant de facilités pour reculer les bornes de la France pouvaient faire croire en effet à ses ennemis que le Roi n’aspirait qu’à les étendre ; et persuadés qu’il le pouvait, ils se refusaient à penser qu’il ne le voulait pas.
Il leur en fallait tune preuve indubitable. En peut-il être de plus éclatante que celle qu’il vient de leur donner ; Maestrick subitement investi est prêt à tomber ; sa chute va bientôt ouvrir à son armée un champ où les conquêtes seront aussi sûres que décisives. C’eset dans cet instant que ses ennemis prononcent le mot de paix. Il suspend l’infaillible effet de ses armes. Il n’avait entrepris la guerre que pour conserver les droits de ses alliés ou pour les défendre ; veut-on écouter la justice de leurs prétentions, veut-on cesser de les opprimer ? Il s’arrête, et ne s’avance plus vers ses ennemis que pour les entendre. Faudra-t-il même les rapprocher sur les intérêts qui les divisent entre eux ? On le verra s’empresser à devenir leur conciliateur et à faire passer dans toutes les cours l’exemple du désintéressement.
Puissent des procédés si généreux et si modérés détruire à jamais l’idée que notre maître ait ambitionné la monarchie universelle, préjugé dangereux qu’on a fait fant de fois envisager comme une raison suffisante de se liguer conre la France. Qui pourrait soutenir aujourd’hui que ce désir soit celui d’un Roi qu’on voit à la tête d’une armée victorieuse, souhaiter aussi vivement la paix que si la crainte de ses ennemis ou l’impossibilité de continuer la guerre le forçait à la demander.
Des motifs non moins pressants la lui font désirer depuis longtemps avec ardeur.
Rien ne lui paraît aussi précieux que la vie et les biens de ses sujets. Tranquille sur ces objets de son inquiétude, la paix va le rendre à des soins plus chers pour lui que ses vitoires. Et quels soins plus dignes de l’occuper que de maintenir le respect dû à la religion et à ses ministres, de faire régner le calme dans l’Eglise, et par ses témoignages de reconnaissance envers le souverain maître des Rois, attirer de nouveaux bienfaits sur sa personne et sur son Etat. Quels soins plus doux que de faire fructifier le commerce, protéger la navigation, exciter les arts et rétablir l’abondance qui renaît aisément dans un pays fertile animé par un peuple industrieux.
Mais pour obtenir plus promtement des avantages dont on ne peu trop tôt jouir, il faut effacer jusques aux traces des maux qu’a faits la guerre et éteindre le plus tôt qu’il sera possible les dettes et les engagements qu’elle a fait contracter.
Il ne s’agit plus aujourd’hui de besoins dont les bornes ne soient pas connues ; c’est un dernier effort dont l’objet est de remettre bientôt en équilibre les impositions et les dépenses ordinaires de l’Etat ; et c’est dans cette vue, Messieurs, que le Roi nous a ordonné de vous demander la somme de seize millions. Cette somme sans doute est considérable. Mais Sa Majesté toujours attentive à vous ménager les moyens de satisfaire à ses demandes, veut dans cette occasion partager le poids de vos engagements en prenant sur Elle de rembourser ce qui reste à acquitter de votre emprunt de 1723. En sorte que, rendant libre l’imposition qui y était destinée, vous puissez l’affecter à un nouvel emprunt, et de plus, en se chargeant encore d’aquitter à perpétuité les quatre cent mille livres de rentes sur l’hôtel de ville que vous payez depuis bien des années, ou de faire remettre cinq cent mille livres par an entre les mains de votre receveur général juquq’à l’extinction de l’emprunt que vous allez faire.
Sa Majesté vous laisse, Messieurs, le choix entre ces deux moyens. Elle connaît trop les lumières de cette auguste assemblée et du digne prélat qui en est le chef pour n’être pas persuadée que vous sentez l’inévitable nécessité de ces derniers secours, et Elle a trop de preuves de votre zèle pour douter que le premier ordre de l’Etat ne s’empresse à convaincre tous les autres par son exemple, de l’obligation de soutenir encore quelque temps des contributions extraordinaires qui doivent rapprocher un avenir heureux et tranquille.
F.Fr.13659, p.237-41