Compliment des vendeuses de poisson de Bordeaux
Compliment des vendeuses de poisson de Bordeaux à Madame la Dauphine,
fait le 21 janvier 1745, par la mère Torquette, une des anciennes.
Madame, Monsieur,
Le Dauphin est le roi des poissons et les poisssardes voient avec plaisir une belle Dauphine destinée à être un jour leur reine. Tous les bons Français sont joyeux qu’étant fille du puissant Sire d’Espagne et originaire de ce royaume, vous y reveniez à propos comme Mars en Carême.
Votre présence ici procure un spectacle bien agréable et nous fait espérer une nombreuse lignée, si vous êtes aussi bien oeuvrée que notre prince est laité, car nos Bourbons sont des héros qui ne sont point pétris de sang de macreuse et dont les exploits ne sont point des coups d’épée dans l’eau.
Votre illustre époux, charmé de voir vos appas s’y attacher, car c’est la sauce qui fait manger le poisson ; d’ailleurs vos vertus lui feront connaître que ceux qui vous ont choisie pour sa femme, n’ont point pêché en eau trouble. Tous deux contents, vous arrivez comme le poisson dans l’eau, sans risquer comme lui d’avaler le goujon.
Notre qualité d’harengères ne nous permet pas de vous haranguer mieux et plus longtemps ; d’un côtél a caque sent toujours le hareng, et de plus les gens de justice attendent pour vous complimenter à leur tour. Or l’on dit ici que le gros poissons mangent les petits ; mais quoiqu’on nous regarde comme du fretin, notre qualité a son prix, et notre joie sincère vous répond de notre amour, qui sera toujours le même, contre vent et marée.
Maurepas, F.Fr.12648, p.25-26 - F.Fr.13658, p.49
On attribue la composition de cette pièce au Sr Marchand, avocat au Parlement de Paris.