Sans titre
Clémentine Unigenitus, fille naturelle de Haute et Puissante Dame, Madame du Saint-Siège et du fils d’un maréchal-ferrant de Normandie, étant née au mois de septembre 1713, fut aussitôt envoyée en France et mise sous la protection de Louis le Grand. Ce Prince ne l’ayant vue que dnans l’obscurité, ignorant d’ailleurs son origine, la reçut avec joie, et touché pour elle d’un amour aveugle l’adopta. Elle fut élevée dans la Compagnie des R.R.J[ésuites] qui fondèrent sur elle de grandes espérances, quoiqu’elle fût d’une très mauvais constitution et ils mirent tout en usage pour la conserver à force de préservatifs, Dulcificatifs, Mitigatifs, Explicatifs, Interprétatifs, Relatifs, Respectifs, Palliatifs, Imaginatifs, Déceptifs, Lucratifs, Inisinuatifs, Corruptifs. Ils employèrent même les Accusatifs, impératifs, Pulsatifs, Processifs, Appréhensifs, Turbafis, Fourbatifs, Désolatifs, Offensifs, Suspensifs, Expulsifs, Destructifs, Entérinatifs et autres remèdes violents inusités dans la bonne médecine. Put-être cependant que ces voies extraordinaires leur eussent réussi, qu’ils fussent parvenus à la faire légitimer, comme ils en avaient le dessein, et qu’elle eût été ensuite bien reçue partout, si le cardinal de N[oailles, qui connaissait toutes ses imperfections, ne s’y fût opposé avec tant de vigueur et une résolution si constante qqu’on a cru que le chagrin qu’en eut Louis le Grand avait été en partie cause de sa maladie et de sa mort. Quelle perte pour Célementine que celle d’un protecteur si puissant qui, s’il eût vécu, eut sans doute fait en sa faveur des choses dont la mémoire aurait passé avec étonnement jusqu’à la postérité la plus reculée ! Elle en fut frappée comme d’un coup de foudre et tomba dès ce moment dans uen maladie que l’on jugea mortelle. On fit une consultation de médecins sur son état : les uns opinèrent qu’on ne pouvait mieux faire que de la renvoyer dans son pays natal ; les autres assurèrent que ses forces ne lui permettant pas de faire un si long voyage, tout ce qu’on pouvait faire, était de mettre en usage les secrets les plus raffinés de leur art, pour lui conserver la vie pendant quelque temps. Clémentine se voyant dans cet état désespéré, fit son testament. En voici l’extrait.
[Suite en £0200 à partir de « Je désire qu’après ma mort…]
L’infortunée Clémentine est depuis ce temps-là dans une agonie perpétuelle et l’on attend à tous moments celui de sa mort. Ses partisans en sont au désespoir et ne se consoleront apparemment jamais d’une perte si irréparable, puisqu’après le scandale qu’a causé la prostitution de la Mère avec un moine sans caractère et sans aveu, ils ne pourront espérer qu’elle s’expose encore à concevoir de ses œuvres. Ainsi soit-il.
Mercure politique et galant, 19 janvier 1719
Texte partiellement commun avec £0200